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Billet du 21 avril 2020

Par Noé Boever

En décembre 2018, Falhi et Tarek foulent le sol belge pour la première fois. Depuis le départ, c’est dans ce pays, 80 fois plus petit que l’Algérie que, leur diplôme dans la valise, ils ont décidé de venir exercer leur métier, nouer des liens et qui sait, fonder une famille. À peine arrivés, ils font une demande d’asile, la troisième depuis le début de leur parcours. Et après, c’est la débrouille. Elle n’est pas toujours simple la vie quand on ne connaît personne et qu’on n’a pas un sou en poche. Alors on vagabonde, on distribue des CV, on vit de petits jobs. Du nettoyage, du bricolage, de la récolte de fruits. Et quand le travail se fait trop rare, on commet quelques petits larcins, de temps en temps. « Mais jamais avec violence ! », insiste Falhi. « On n’est pas des voleurs normalement. On est venus ici pour travailler, pas pour faire des conneries, mais quand on n’a rien à manger, et aucun revenu, on est parfois amenés à faire de choses dont on n’est pas fier, il faut avoir vécu ce dilemme pour le comprendre. »

 

La Belgique, Falhi l’apprécie, surtout la Wallonie où les gens se mélangent, vivent ensemble et parlent français. « Depuis l’Algérie, je pensais que la Belgique était un pays francophone. Je n’avais jamais entendu parler de la frontière linguistique, je l’ai découverte quand j’ai été incarcéré à Turnhout. »

Turnhout, c’est le premier tournant du séjour de Falhi. Arrêté pour vol, il reste enfermé 3 mois dans une prison où ne parler que français et arabe n’est pas pour plaire au personnel. Pour la première fois, selon ses dires, Falhi découvre le racisme, et il l’apprend de la manière forte. Envoyé au cachot pour le punir d’avoir tenté une grève de la faim, Falhi se fait voler sa chaîne en argent par un gardien et face à ses multiples plaintes, plusieurs gardiens décident de le faire taire. Un soir, alors qu’il est en couché sur son lit, ils sont cinq à rentrer dans sa cellule. Deux pour le tenir, trois pour le passer à tabac. Après 3 mois, Falhi sort de prison mais reste en sursis. Le sursis ne lui fait pas peur. Refroidi par l’expérience subie à Turnhout, il est bien décidé à filer droit. Il est là pour trouver du travail et compte bien redoubler d’efforts pour y arriver. Après tout, il espère avoir bientôt accès à un permis de travail et possède un diplôme d’électricien industriel. Mais en attendant, toujours sans le sou, Falhi continue d’offrir ses services pour des travaux manuels en tous genres, à Liège et à Bruxelles où il vit, toujours avec Tarek, dans des squats, faute de moyens pour se payer un toit pérenne au-dessus de leur tête. Mais un soir, tout bascule à nouveau quand un propriétaire mécontent appelle la police pour déloger les deux amis.

 

Deux-trois grammes de cannabis et autant de gros billets dans les poches, aucun doute, ces deux individus à l’apparence suspecte ne peuvent être que des vendeurs de drogue. Et peu importe à ces agents de police si fumer est parfois le seul échappatoire à un quotidien bien sombre, quand on est loin de chez soi, la loi est claire : les vendeurs de drogue, même présumés, n’ont rien à faire dans la nature. La loi, c’est la loi, vous comprenez ? D’autant que les deux hommes sont en sursis et que ces diplômes qu’ils brandissent fièrement ne peuvent être que des faux, estime le juge.
Falhi et Tarek sont immédiatement incarcérés à la maison d’arrêt de Namur en attendant leur procès.

 

C’est à Namur que Falhi rencontre Gabi qui sera son codétenu et que notre Chronique carcérale en pandémie connait, par ailleurs.

 

À suivre…

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