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Billet du 4 mai 2020

Par Martina di Marco 

[Gabi, la trentaine, est en détention préventive à la prison de Namur.  Durant les semaines de confinement, nous nous appellerons régulièrement.  Lors de notre premier appel, il m’a raconté la vie à la prison de Namur en temps de pandémie.  Nos prochains entretiens seront consacrés à des thématiques plus personnelles qu’il aura choisies.]

Lors de notre appel, Gabi fait le point sur la semaine écoulée.  Il me raconte qu’il y avait « une bonne équipe [d’agents] la semaine passée », mais il confirme ce qu’il avait déjà avancé la semaine précédente : « ça pue la grève, on entend que ça chuchote ».  Si les premiers échos sur les agents étaient positifs, il n’a pas que du joli à relever : « Il faut être frustré pour faire ce métier », « ce sont des glandeurs, ils aimeraient ne rien foutre », « ils se prennent pour des cow-boys ».

 

Les modifications au niveau de la cantine continuent. Ils ont reçu une feuille avec l’offre adaptée à cette période (pour remplacer le catalogue dont ils disposent habituellement).  Les prix, eux, augmentent à mesure que l’offre diminue.  La limonade 365 est passée de 0,65€ à 0,90€ (+40%), les twix, mars et autres barres chocolatées sont passées à 70 cents pièce, les petits paquets de chips sous-marques à 0,50€ et le litre et demi de cristalline à 60 cents.  Ce qui choque le plus Gabi ce sont les frangipanes à 1,66€ pièce, « qui va acheter ça » !?

 

Normalement, de par les cours qu’il suit, il bénéficie de quelques avantages : une (très) petite rémunération et la télé offerte.  Vu la situation de pandémie, les cours ne sont plus dispensés, et les avantages eux aussi tombent.  Ces cours sont d’une importance capitale pour Gabi qui a une manière bien personnelle d’appréhender son incarcération.  Elle est un temps de pause de un à deux ans maximum.  Il a plusieurs objectifs :  il veut ressortir le même physiquement (il mise donc sur une alimentation aussi bonne que les conditions le permettent) et avec plus de cartes en main (premier objectif : le CESS, « j’ai obtenu 90% en chimie », chimie, sa bête noire).  C’est d’ailleurs une force qu’il a par rapport à d’autres. Il n’entend pas laisser la justice définir qui il est.  La justice, il a bien du mal à la comprendre : que font des toxicomanes en prison ?  Car « ici, ils sont rabaissés, comme à l’extérieur », c’est comme dans la société.

Pour s’occuper, Gabi et Fahli, son codétenu, s’occupent de différentes manières : ils feuillettent un atlas, jouent au monopoly (Gabi gagne à tous les coups, mais donne des petits trucs : « Les gares c’est important », « Il construit trop vite, après il doit hypothéquer »), imagine des projets pour dehors.  Fahli est Algérien, il y a un créneau.  Fahli a les contacts, Gabi a les idées et les compétences en marketing.  Des tissus, du tourisme, ce ne sont pas les idées qui manquent !  Et tout ça, occupe l’esprit.

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