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Billet du 23 avril 2020

Par Stéphanie Mureau

[Steve, 47 ans, papa d’une jeune fille de 15 ans, anciennement manager à la Stib et incarcéré pour la première fois depuis le mois de novembre en détention préventive à la prison de Nivelles. Ayant entendu parler de la chronique par le biais de son avocate, il veut apporter sa pierre à l’édifice. Se rendre utile en cette période où ils perdent leur temps à l’intérieur des murs.]

 

« Il fait magnifique aujourd’hui, il y a du soleil, un peu de vent… On se croirait à la mer. Enfin, en fermant les yeux évidemment (rires) ». Telle est la première chose que me partage Steve cette fois, après l’échange des formalités habituelles. Il revient tout juste de sa sortie quotidienne au préau. Depuis notre précédent appel, il a essayé d’appeler plusieurs services mais sans résultat concret. On lui a dit qu’à cause du confinement, à Bruxelles en tout cas, il n’y a aucune possibilité de le prendre en charge. Soit les services ne répondent pas, soit tout est bouché. Un interlocuteur lui a proposé de le rediriger vers d’autres services du côté de Mons mais il ne souhaite pas s’éloigner de sa fille.

 

Pour s’organiser depuis l’intérieur, c’est une catastrophe. Tout est très lent, le courrier met presque 15 jours à arriver pour le moment, il est dépendant du téléphone mais en ces temps particuliers, peu de services répondent. Difficile donc de préparer une éventuelle sortie. « Vous savez, moi je fonctionne au stress donc tout va se mettre en place quand je vais sortir, tant au niveau du logement que de l’emploi ». On reparle alors un peu de son job à la Stib. Il en a été licencié directement lors de son incarcération. En tout, il a travaillé là 26 ans. Il a fait plusieurs boulots différents au sein même de la Stib, qu’il a appris sur le tas, avec l’expérience. Avant la prison, il était manager : « je m’occupais des stations, tout ce qui est safety, parcours client, missions dans le métro, etc… ».

 

J’en profite pour l’interroger sur ses perspectives d’avenir professionnel. Il m’apprend qu’il adore dessiner, qu’il rêve de créer sa propre BD mais qu’il n’avait jamais pris le temps de s’y consacrer auparavant car il adorait son travail. Il envisage donc la possibilité de trouver un emploi en rapport avec sa passion. « Je vous parais un peu insouciant peut-être, je suis d’habitude très organisé, je fais tout en avance mais d’ici c’est impossible de prévoir. C’est vraiment dans la tête au jour le jour. C’est un climat comme ça en prison, on pense plus sinon c’est une catastrophe. On vit au jour le jour ».

 

Pour s’occuper actuellement, il dessine énormément. Il avance un peu sur son idée de BD, il profite des préaux pour montrer ses dessins et croquis à des jeunes qui aiment lire des mangas. Ils savent lui donner un avis sincère, ils disent ce qu’ils pensent sans passer par quatre chemins.

« j’ai au moins fait ça ici, c’est déjà ça » ça m’occupe beaucoup et ça fait passer le temps. Il propose de m’envoyer un jour son travail, ce que j’accepte de bon cœur.

 

Notre conversation nous entraîne ensuite vers son entourage proche. Aurait-il quelqu’un de disposé à l’accueillir, même temporairement, à sa sortie ? Non, il n’a plus qu’un frère à qui il n’a plus parlé depuis plus de 20 ans. Steve ajoute que son ancien duo l’incitait à recontacter son frère. « Mais j’ai plus aucun lien avec lui. Je suis un peu vieux jeu, j’ai été élevé par ma maman qui était une vieille dame déjà. J’ai des principes, c’est peut-être pas les bons mais je ne sais pas changer mon caractère. J’irai pas sonner chez mon frère surtout si je suis dans la dèche ». Il enchaîne. Il n’a personne d’autre à part sa fille. Il s’est éloigné de ses amis ces dernières années, pendant sa relation avec sa femme. Il a fait le vide sans s’en rendre compte autour de lui. L’année passée, il a perdu sa maman, avec qui il était très lié. Son père étant décédé, il n’a plus de famille à part son frère qu’il ne voit plus et sa fille. C’est en prison qu’il a réalisé à quel point il était très isolé.

 

En parlant de sa fille, elle vient d’avoir 16 ans début avril, m’apprend-il avec un sourire dans la voix. Selon lui, ils s’adorent mais ont un contact assez difficile. Chacun d’eux a un caractère très fort donc il a décidé de ne plus parler des faits avec elle. Ils se concentrent sur le positif, sur des petites choses de la vie. « Ça tourne plutôt autour de l’école, de son quotidien. Récemment, elle a regardé un film que j’aime beaucoup. Je lui ai demandé pourquoi, elle a répondu que c’était parce qu’elle savait que c’est un de mes films préférés ». Il est persuadé qu’elle garde un certain ressentiment par rapport à la situation, mais il faudra du temps pour pouvoir mettre les choses à plat.

à suivre...

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