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Billet du 16 avril 2020

Par Martina di Marco 

[Gabi, la trentaine, est en détention préventive à la prison de Namur.  Durant les semaines de confinement, nous nous appellerons régulièrement.  Lors de notre premier appel, il m’a raconté la vie à la prison de Namur en temps de pandémie.  Nos prochains entretiens seront consacrés à des thématiques plus personnelles qu’il aura choisies.]

Par une belle après-midi ensoleillée, Gabi m’appelle. Installée dans mon jardin, je l’écoute et prends note.  Il remarque les oiseaux qui chantent.  Je réalise, une fois de plus, la chance que j’ai.  Les remous de 20h continuent, même s’il considère qu’il règne une certaine sérénité.  Depuis peu, tous les agents et servants (c’est-à-dire les détenus qui travaillent pour l’établissement pénitencier lui-même : ouverture de porte, distribution repas et cantine, cuisine, etc.) portent des masques en tissu.  Certes, ça n’est pas synonyme de parfaite protection, mais ça contrôle les postillons et Gabi y voit « une mesure préventive à notre égard ».  À côté de cela, les gardiens menacent d’entrer en grève.  Si cela devait être le cas, les conditions de vie des détenus s’en verraient encore plus détériorées. 

 

Interpellée par des informations reçues d’une autre prison, je demande à Gabi comment fonctionne le système de télé à Namur.  Il m’explique que ça coute 9,5€ par détenu par mois et que c’est une dépense forcée.  Ce n’est pas la seule, puisque le frigo, présent dans toutes les cellules, est lui à 2,5€ par détenu par mois.  Pour me donner une idée, il prend l’exemple de son codétenu, Falhi.  Ce dernier bénéficie de la CED* (caisse d’entraide aux détenus).  C’est-à-dire que chaque mois, étant un indigent, il reçoit 50€ de ladite caisse.  Nous faisons les comptes.  50€ desquels on doit enlever 12€ de dépenses obligatoires.  Il nous en reste 38. Falhi est fumeur.  Le tabac est à 5€ les 30 grammes, si on compte 30 grammes par semaine, plus un briquet et des feuilles, il lui reste une quinzaine d’euros.  Avec cet argent, il doit tenir pendant un mois pour : les appels, les produits d’hygiène, les éventuelles boissons et aliments qu’il souhaiterait se procurer pour compléter ce qui est donné par la prison.  Leur cantine, il ne s’en plaint pas trop, car finalement ils ne sont pas mal-lotis : il explique qu’il n’a pas reçu son yaourt de la dernière cantine mais qu’il a été directement remboursé.  Ici, ce n’est pas comme à Jamioulx. Par contre, à Namur, à Jamioulx et partout ailleurs, le Ramadan se profile. Et avec une cantine restreinte comme elle l’est actuellement et l’absence des représentants du culte, il sent que la situation va être difficile. Il se rappelle que, alors qu’il était détenu à la prison de Jamioulx, des associations de musulmans avaient fait en sorte que tous les détenus (musulmans ou non) reçoivent, à l’occasion du Ramadan, un sac de courses.  Comment cela se passera-t-il cette année, Falhi et lui se le demandent.

Pour terminer sur une note plus joyeuse, Gabi se réjouit d’avoir Falhi comme codétenu.  Au préau, ils ont aussi une chouette bande.  D’ailleurs, ils sont un groupe assez diversifié, alors que les autres trainent plutôt entre « roumains », entre « albanais », entre « arabes », etc.  Gabi espère tout de même obtenir une place comme servant, il serait le prochain sur la liste, mais cela serait synonyme de changement de cellule et donc de co-détenu.

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